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Le Tao pour se reconnecter à l'essence de notre nature

Les taoïstes, figures emblématiques de la Chine ancienne, nous offrent une vision singulière du "centre". Elle révolutionne le modèle de pensée occidentale qui nous a façonnées dans une approche duale du monde. D’un côté le bien, de l’autre le mal. D'un côté la nature, et de l'autre l’homme. D’un côté, le corps, de l’autre le cœur, ou bien encore la tête.

Notre société fractionne, additionne, segmente. Dans la perspective taoïste, rien n’est séparé, tout est relié, l’être humain prenant part à un vaste ensemble vivant et interconnecté, à l’image du réseau de mycélium qui forme un "web souterrain" entre les végétaux.
D’une certaine manière, il n’y a pas de centre, le centre est partout. Ou nulle part, comme vous préférez. La Terre n’est plus perçue comme le centre du monde. Je ne me vis plus comme le centre du monde. Cela change tout !

Circulation fluide

Contrairement à notre désir de fixer des règles, d’édicter des lois et des codes (pour border, sécuriser, contenir), pour les taoïstes, rien n’est figé. Et c’est une évidence, un fait observable ! "La seule chose qui ne bouge pas, c’est le mouvement", symbolisé par la dynamique du yin et du yang : deux courants de vie indissociables qui s’animent en permanence.

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Si leur circulation est fluide et harmonieuse, notre vitalité rayonne. Si, au contraire, cette circulation se trouve freinée, voire bloquée, alors des symptômes apparaissent : douleurs physiques, désordre émotionnel, pensées limitantes, etc. Que prônent dans ce cas les taoïstes ? D'entrer dans la voie du tao. O.K., mais cela veut dire quoi ?

Sur le chemin du tao

Je ne suis ni taoïste ni spécialiste du tao, mais je me sens imprégnée par sa philosophie. À ma manière. Des écrits de Lao Tseu ou Tchouang Tseu lus ici ou là, des rencontres déterminantes comme avec le sinologue Cyrille Javary, mon rôle de rédactrice en chef de la revue Génération Tao pendant quinze ans et, surtout, l’expérience à travers la pratique de mon art, le Wutao®, m’ont sensibilisée à ce regard posé sur le monde. Car le tao ne s’aborde pas de manière intellectuelle. C’est une voie. Un chemin. Un apprentissage.

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C’est avant tout ressentir, écouter, respirer, "nourrir le vivre"… Être. Se reconnecter à l’essence de notre nature.
Expérimenter. Oser une magnifique aventure qui s’appuie sur cette réalité : notre mental ne peut appréhender la globalité, nous pouvons seulement en faire l’expérience. Comment ? Dans mon cas, en m'ouvrant à une nouvelle forme de compréhension de qui je suis, fondée sur le ressenti. Je déplace mon centre d’attention du mental à une conscience sensorielle pour percevoir les courants de vie qui m’animent.

Accueillir et apprendre

Je fais alors l’expérience que tout est mouvement. Et cette prise de conscience m’invite à accueillir les flux et les remous de mon quotidien. J’apprends à surfer sur les vagues de la vie. Parfois, je glisse sur la crête, au sommet de ma forme, de mon épanouissement, de mes réalisations ; puis je descends dans le creux de la vague : le monde peut me sembler alors plus terne, mon environnement moins sensible à mes idées, et je me sens en peine de cette situation.

Le tao m’enseigne que la réalité est façonnée par ces va-et-vient, que ce n’est qu’une succession d’états qui empruntent des sillons qui sont propres à notre histoire. Je suis agie par ces courants qui circulent en moi et autour de moi. Qui me traversent. L’enseignement que j’ai reçu va jusqu’à considérer que ces courants, en passant à travers mes cellules, mes os, mes muscles, etc., activent les empreintes de mon histoire qui y sont logées. Comme engrammées.

Mémoires et émotions

Par exemple, une profonde tristesse s’installe dans le creux de mes alvéoles pulmonaires au départ de mon père. Le souffle vital visite mes poumons et vient "buter" sur cette tristesse. Je pourrais alors croire que la vie est triste, mais ce n’est pas la vie, seulement le souffle de vie qui rencontre la mémoire de cette tristesse comme enkystée dans mes poumons. Et je peux confondre ces deux espaces qui fusionnent un temps. Or, le souffle est si riche de vie qu’il a le pouvoir de "défroisser" ce kyste. De le faire fondre comme neige au soleil. De l’irriguer. Et, à travers cette compréhension, je peux arrêter de m’identifier à cette tristesse pour seulement apprécier, goûter, savourer l’onde de vie qui voyage à travers moi. Devenir une passeuse.

Être à l'écoute

Riche de cette conscience, j’ai fait mien ce principe dont parlent les taoïstes de manière si poétique pour accompagner le mouvement de la vie : "Suivez le courant".
C’est l’art du Wuwei, traduit par "non agir" et parfois "lâcher prise", ce qui dans notre culture a été interprété comme l’éloge d’une attitude passive. Il n’en est rien. C’est pourquoi le terme "disponibilité" me convient mieux. Je deviens à l’écoute des tous ces courants, je suis alors capable d’agir de la manière la plus juste au moment le plus opportun. Sans forcer : "On ne tire pas sur un brin d’herbe pour le faire pousser."

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Cultiver ces perceptions réveille peu à peu ce que je qualifierais d’état intuitif et/ou instinctif. S’installe alors un sentiment d’équilibre. Oui, je pourrais dire un centre. Comme un point d’ancrage. Un chaudron, comme le nommeraient les taoïstes, où "s’alchimient" le "feu et l’eau" de mes expériences. Que cet équilibre semble chaotique, disharmonieux ou plus harmonieux de l’extérieur, peu importe. Pourvus que les flux surfent, s’enlacent, se diffusent, dansent.

Alors, parvenir à se centrer, c’est juste savoir rester à l’écoute. Dans un sens plus vaste, c’est rester au plus près de ses aspirations profondes. S’inscrire dans le grand mouvement du vivant. Ce qui implique aujourd’hui aussi pour moi, de préserver ce vivant. De préserver l’âme du monde. Et, comme il est dit en Wutao®, pour rester au plus près de notre être, d'éveiller l’âme du corps.